Mets-toi ça dans la tête! publié le 21/10/2018

Une lecture de Mets-toi ça dans la tête !
« Les stratégies d’apprentissages à la lumière des sciences cognitives »
De Peter C. Brown, Henry L. Roediger, Mark A. McDaniel

Titre de l’ouvrage : Mets-toi ça dans la tête !
Auteurs : Peter C. Brown, Henry L. Roediger, Mark A. McDaniel
Editions : Markus Haller

A l’heure où l’Éducation nationale se tourne de plus en plus sérieusement vers les sciences cognitives pour faire évoluer ses méthodes d’apprentissage, Mets-toi ça dans la tête ! peut tenir lieu d’ouvrage de référence pour les enseignants.
Conçu par un écrivain et par deux cognitivistes ayant consacré leur carrière à l’étude de la mémoire et des processus d’apprentissage, ce livre présente la particularité essentielle de s’appuyer sur de multiples études expérimentales dans des contextes variés.
Leurs observations peuvent ainsi constituer une boussole pour l’enseignant, les auteurs montrant le souci de donner des exemples de mise en place pratiques pour celui-ci.

Halte aux illusions !

Mais avant de prodiguer des recommandations concrètes, les auteurs nous invitent dès le premier chapitre à nous débarrasser de nos illusions sur l’apprentissage.
En effet, il s’avère que les stratégies les plus efficaces sont souvent contre-intuitives. Ainsi, tests à l’appui, ils nous indiquent qu’il faut se départir de sa foi en la relecture, à la répétition d’une leçon, au bachotage.
Cet apprentissage permet une familiarisation mais celle-ci n’est efficace qu’à court terme et ne garantit pas la maîtrise du savoir. En définitive, l’organisation qui consiste en un apprentissage massé suivi d’une évaluation immédiate globale ne présente guère d’efficacité pour la construction d’un apprentissage solide et durable.
De même, un apprentissage facile et rapide sera vite oublié.

Le processus à suivre est d’abord de stocker des fondamentaux sur lesquels seront construits les apprentissages puis en y ajoutant la compréhension, l’esprit critique et le savoir-faire.
Ainsi, la mémorisation reste le pilier de l’apprentissage : elle permet de constituer une base de connaissances indispensable pour accéder par la suite à un degré supérieur de réflexion.

La mémorisation

 Dans le deuxième chapitre, intitulé Pour apprendre, retrouvez, les auteurs nous rappellent que mémoriser, c’est lutter contre l’oubli et que l’aisance avec laquelle on se souviendra de ce que l’on sait dépend pour l’essentiel d’une sollicitation répétée de l’information, de la capacité à créer des indices de récupération permettant de réactiver ces savoirs. Pour cela, ils préconisent la mise en place d’exercices de récupération mnésique. Ils recommandent particulièrement la pratique des tests réguliers à faible enjeu, selon le principe de l’évaluation formative. Si cette conception de l’évaluation comme outil d’apprentissage se répand, c’est certainement parce qu’elle présente de nombreux avantages : dédramatiser l’évaluation, augmenter le travail des élèves entre les heures de cours ou augmenter leur attention si elle est pratiquée en fin de séance, augmenter les résultats des élèves lors des examens finaux, et surtout permettre à l’élève de se situer en prenant conscience de ce qu’il sait ou pas.

 Cette posture réflexive est une seconde étape primordiale pour faire évoluer l’élève, elle requiert par conséquent une attention accrue de l’enseignant. Il s’agit de le conduire à analyser ses pratiques en le familiarisant à des questions simples et récurrentes : que s’est-il passé ? qu’ai-je fait ? quel résultat ai-je obtenu ? que ferai-je ?

 En outre, pour être plus efficace, la mémorisation doit être active . La verbalisation, mieux, la reformulation est plus fiable que la relecture. Il faut insister sur le fait que l’élève doit interroger sa leçon pour se l’approprier. Dans cette optique, l’utilisation de la carte mentale pour restituer une leçon aide le cerveau à créer des liens et à assimiler la nouvelle notion. Les auteurs proposent des situations d’apprentissage variées pour mettre en place ces éléments : la carte mentale évaluée, la leçon restituée aux pairs ou par groupes ou encore la boîte de cartes qui se présentent sous la forme de questions-réponses. Elles sont divisées en quatre paquets : celui qui contient les nouveaux éléments à assimiler, celui qui contient les éléments déjà vus mais pas assez maîtrisés, celui qui est constitué par les notions bien maîtrisées et celui qui propose des éléments maîtrisés à ne pas oublier. Le jeu évolue ainsi au fil des progrès réalisés et chaque élève utilise son jeu de cartes en fonction de ses besoins personnels. Cette pratique peut être envisagée grâce à l’utilisation des logiciels type ANKI ou QUIZLET.

 Par ailleurs, l’acquisition de nouvelles connaissances réclame au cerveau un processus de consolidation au cours duquel les notions sont renforcées et mises en relation avec les connaissances ultérieures. Ce processus demande plusieurs jours. Aussi, il est nécessaire de prendre en compte le facteur temps dans l’organisation de l’acquisition des connaissances. Les exercices de récupération mnésique doivent être proposés à un rythme expansé, de manière à en favoriser l’efficacité.

L’alternance

Toujours d’après de multiples expériences comparatives, les cognitivistes montrent que le travail intensif d’une compétence est moins efficace qu’un travail en alternance de plusieurs compétences. Ils recommandent de commencer à travailler une deuxième compétence alors même que l’apprentissage de la première commence juste à devenir effectif. Cette méthode donne l’impression de ralentir l’apprentissage mais il le rend plus solide en ménageant le temps nécessaire à la consolidation et en favorisant la création de liens entre les savoirs. Les auteurs s’appuient ici sur l’exemple des sportifs qui organisent leur entraînement autour de plusieurs compétences à la fois afin de mieux les combiner pour être performant. En apprenant à jouer au football américain, les joueurs travaillent leur vitesse, leur toucher de balle, leurs combinaisons offensives mais aussi défensives… Ainsi, espacer, alterner, varier sont les maîtres mots des auteurs pour guider l’enseignant.

L’effort et l’erreur

Les cognitivistes réhabilitent le rôle de l’effort et de l’erreur.

 En effet, la difficulté ralentit l’apprentissage mais elle conduit à une mémorisation plus durable, plus solide, plus précise. Mobiliser ses efforts pour résoudre une difficulté est bien plus efficace que de réaliser rapidement une activité facile et ludique, qui procure néanmoins une satisfaction immédiate, mais illusoire. Il incombe alors à l’enseignant de choisir avec soin un niveau de difficulté souhaitable pour favoriser l’apprentissage. La nécessité de proposer les exercices de récupération alors que l’oubli a commencé à faire son œuvre prend ici tout son sens : plus l’effort de reconstruction est important, plus les exercices seront efficaces.

 L’erreur tient également une place primordiale dans la construction des savoirs : on retient mieux la solution d’un problème auquel on a réfléchi en amont qu’une méthode apprise passivement. L’enseignant doit là encore amener l’élève à se poser des questions de manière à préparer son assimilation des savoirs, mais il doit aussi prévoir un retour immédiat au sujet des erreurs commises afin de favoriser leur consolidation.

La motivation

 La motivation reste néanmoins une donnée fondamentale. Les auteurs présentent d’ailleurs le savoir comme une quête et insistent sur le fait que l’apprenant doit aller chercher ses apprentissages. Ils recommandent aux éducateurs d’aider les jeunes à se fixer un objectif final puis à le diviser en sous-objectifs, en compétences à valider de manière à constater une progression. Ainsi, ils citent le parcours de personnes autodidactes qui ont réussi à devenir expertes dans certains domaines grâce à la force de leur motivation et à cette méthode du fractionnement des objectifs.

 Ils rappellent également que le cerveau se modifie à chaque nouvelle acquisition. Dès lors que l’on explique ce principe ainsi que le fonctionnement de la mémoire, de l’effort et de l’alternance aux élèves, chacun d’entre eux est capable de faire des progrès. Et le progrès doit justement être l’objectif fixé par l’enseignant et visé par l’élève. On déconstruit ses connaissances pour les faire évoluer : l’apprentissage est un mouvement perpétuel du cerveau.
Plus il apprend, et plus le cerveau est capable d’apprendre !